Prédication du 10 septembre 2017

Publié le par l'EPU d'Avignon

Culte au temple Saint-Martial à Avignon, le 10 septembre 2017
 
Prédication du pasteur Corinne Danielian-Verdin
 
 
Lecture biblique : Matthieu 6, 9 - Exode 16, 1-35
 
Le pain du ciel « une prière qui se murmure… »
 
Le livre de l’Exode c’est l’histoire d’un homme, c’est l’histoire d’un peuple qui cherche Dieu.
Faut-il éprouver le désert pour rencontrer Dieu ?
- Faut-il avoir soif ?
- Faut-il avoir faim ?
- Faut-il avoir peur de mourir pour réaliser que celui dont nous avons absolument besoin pour vivre, c’est peut être celui qu’en réalité nous connaissons le moins ?
 
Co-naitre, littéralement : naitre avec, naitre encore, naitre à nouveau pour vivre sa vie d’homme ou de femme en se tenant debout.
Se mettre en marche, avancer sans savoir ce que nous réserve le lendemain.
Ne pas avoir de toit où poser sa tête. Ne plus « avoir » mais « être »…
 
Celui que nous appelons Dieu, dit à Moise :
« Tu diras au peuple que « je suis » m’a envoyé vers vous ! ».
« Je suis » C’est tout ce que Dieu nous dit de lui.
 
Quel meilleur paravent contre toutes les projections que nous serions tentés de faire !
Dieu n’est pas celui que l’on croit, Dieu est celui « qui est » c’est-à-dire celui qui nous appelle à croire, à avoir foi en lui, sans le connaitre véritablement, sans rien maitriser, nous sommes appelés à nous confier à lui.
 
Cette audace de la foi, cette prise de risque, c’est le geste de la prière. En réalité « un saut dans des bras inconnus » comme l’écrivait le théologien Søren Kierkegaard.
 
J’ai souvent entendu des paroissiens, mais aussi bien entendu dans mon ministère d’aumônier à l’hôpital des personnes malades ou en fin de vie, me confier combien il était difficile de prier !
Søren Kierkegaard qui s’est longuement penché sur cette question écrivait :
« Que ce n’est pas notre prière qui change Dieu, mais c’est Dieu qui nous change dans la prière. »
Certains pourraient dire à juste titre que la prière nous convertie. Mais avant tout, elle transforme notre regard, elle nous relève et nous offre de dire « Amen » à Dieu. « Amen » qui signifie : je me tourne entièrement vers toi. Dimanche dernier, en abordant la prière du Notre Père, nous nous sommes interrogés sur le sens de cette prière qui commence par dire « tu » :
- « Que ton règne vienne »…
- « Que ta volonté soit faite »…
Une prière, la prière, qui commence par dire « tu », c’est une prière qui commence par prendre en compte l’autre. Cet autre qui est Dieu.
Dire « tu » c’est commencer par s’adresser personnellement à Dieu.
 
Nous avons vu qu’au fil des demandes de cette prière le « tu » se transformait en un « nous » communautaire.
En disant : « Donne nous notre pain de ce jour »…
La prière qui s’adresse à Dieu en disant « Notre Père » est un chemin qui nous conduit à réaliser au fil du temps qu’en s’adressant personnellement à Dieu nous sommes appelés à dire dans le même temps nous sommes :
- Nous sommes un peuple,
- Nous sommes une communauté.
 
Quel lien avec le livre de l’Exode et la traversée de Moïse ?
Quel Lien avec ce peuple Hébreu qui durant de longues années de traversée dans le désert va peu à peu apprendre à être un peuple, à vivre ensemble avec les tables de la Loi données par Dieu ?
Un peuple qui va se transformer pour devenir un peuple qui cesse de se tourner vers le passé, en regrettant la sécurité que lui offrait sa servitude en Égypte, pour se tourner vers Dieu. Un peuple qui passera de la soif et de la faim au désir de faire alliance avec lui. Un peuple qui se met en marche parce qu’il a trouvé sa direction…
C’est aussi ce qui arrive à Moïse dans le livre de l’Exode. La marche dans le désert va le transformer totalement au point de devenir enfin qui il est.
- Avant la faim, avant le pain du ciel, le don de la manne dans le désert…
Il y a la soif, l’eau amère de Mara…
Avant la soif, il y a ce passage ouvert dans la mer,
Un passage qui inaugure le passage de la servitude à la liberté,
Le passage de la sédentarité au nomadisme,
Le passage d’une vie passé à répéter les mêmes gestes à subir quotidiennement, les mêmes servitudes à une vie radicalement tournée vers un avenir à construire.
L’entrée dans le désert, c’est le passage d’une vie remplie de contraintes et d’habitudes à une vie remplie de désir et d’incertitude, au désert.
Un chemin de foi qui est tout sauf confortable. Aussi inconfortable que pourrait l’être une naissance. L’enfantement du peuple Hébreu, sa délivrance ne se fait pas sans douleur. C’est probablement ce que symbolise ce passage par la mer rouge : Une délivrance.
Un chemin qui laisse place à la soif et à la faim mais où cette soif et cette faim vont être comblées par Dieu d’une toute autre façon que celle des Égyptiens.
La manne tombée du ciel répond aux murmures, à la clameur du peuple qui a faim mais elle y répond en transformant peu à peu le regard que le peuple de Dieu porte sur lui-même. Peu à peu en apprenant à ne plus se soucier du lendemain ce peuple va apprendre à se trouver un projet commun. 
 
Ce qui est totalement révolutionnaire au regard des années passées à se conformer à des habitudes, des coutumes et des rites égyptiens qui ne leur ouvraient aucun avenir. Puisqu’ils se contentaient de reproduire des pratiques passées sans oser s’interroger sur le projet que Dieu avait pour eux. 
C’est pourquoi nous aurions tort de croire que L’épreuve du désert est une tentation. Traverser un désert, traverser une épreuve ne signifie pas nécessairement entrer en tentation. Si tentation il y a, c’est le peuple lui-même qui se l’inflige, elle n’est pas extérieur à lui. Le peuple de Dieu choisira-t-il de faire confiance ou de continuer à se tourner vers son passé Égyptien ? 
Ce désert où les conduit Moïse, c’est le lieu de la prise de conscience, le lieu de la transformation, une véritable bénédiction. Et au fond le lieu de la véritable libération !
C’est un chemin où le peuple hébreu, conduit par Moise, va apprendre à marcher pas à pas comme le ferait un jeune enfant qui découvre l’autonomie. Cela va prendre un peu de temps, quarante années !
 
Oser être libre, oser s’en remettre totalement à Dieu sans savoir ce que nous réserve le lendemain. C’est la même démarche qu’entrer dans une relation de prière avec Dieu.
 
Au commencement, l’enfant balbutie, il murmure avant de risquer une parole de foi. Accepter dans la foi d’être enfant de Dieu, c’est accepter que celui que nous appelons communautairement Notre Père, à un projet pour nous. Un projet personnel comme le trajet de vie de Moise ou bien encore celui de son frère Aaron en sont les figures typiques. Un projet personnel mais aussi un projet communautaire.
Car la prière que le peuple hébreu adresse à Dieu lorsqu’il éprouve la faim dans le désert, cette prière est communautaire. Cette prière qui s’exprime d’abord dans le murmure d’une colère adressée à Moïse afin qu’il l’adresse à Dieu.
Cette prière qui n’ose pas s’adresser directement à Dieu pour commencer dit ceci dans ce chapitre 16 du livre de l’Exode :
« Si seulement le Seigneur nous avait fait mourir en Égypte, quand nous nous réunissions autour des marmites de viande et que nous avions assez à manger !
Mais vous nous avez conduits dans ce désert pour nous laisser tous mourir de faim ! »
 
Ce récit de l’Exode nous montre comment Dieu répond à cet appel. Bien au-delà de la demande qui se murmure et bien autrement que l’image que ce peuple s’était forgé de lui. Il ne donne pas seulement la manne et les cailles pour se nourrir, il donne bien d’avantage.
Il entre en relation, en dialogue avec la communauté des Israélites et les appelle à se confier à lui désormais en tournant la page des habitudes anciennes de Égypte et paradoxalement, tout le confort moral que cela pouvait leur apporter. Bien plus que les marmites de viande, c’est la peur de quitter leurs certitudes et leurs croyances passées qui les enchainent au passé Égyptien.
Quitter la servitude cela revient aussi à quitter nos certitudes. Dans le désert, en chemin, Dieu leur ouvre un avenir de promesse, la promesse de faire d’eux son peuple :
Un peuple en marche,
Un peuple libre de ses peurs,
Des peurs héritées de leurs habitudes qui étaient aussi une servitude,
Un esclavage qui avec le temps était devenu une façon de vivre. Un esclavage qui témoignait d’un Dieu absent, et peu soucieux de l’avenir de ses enfants.
 
- * -
 
Ce n’était pas la première fois que Moise se rendait dans le désert :
La première fois s’était pour fuir la mort…
Il va y passer un certain nombre d’années, il va y rencontrer sa femme Séphora au pays de Madian mais il n’y restera pas.
Dieu va se révéler à lui dans le buisson ardent. Il va se révéler comme le Seigneur « je suis qui je suis »…
Il va le renvoyer en Égypte pour y affronter Pharaon et faire sortir la communauté des hébreux de ses multiples servitudes.
 
Souvent j’entends dans la bouche des croyants que je visite où qui s’adressent à l’Église pour un service funèbre, un baptême, une bénédiction de mariage… :
- « J’ai ma foi, j’ai ma pratique personnelle, je ne fréquente pas de communauté »
Et souvent lorsque l’on creuse un peu, les raisons pour lesquelles ils ne se sentent pas appelés à se mettre au service c’est qu’ils ont le sentiment que l’Église n’a pas besoin d’eux. Ils ont le sentiment que la communauté a ses habitudes et qu’elle va leur demander de s’habituer aux siennes sans chercher à savoir si ces nouveaux venus ont des trésors cachés dans leurs à mains à partager. Alors souvent le choix est vite fait de retourner à sa pratique individuelle…
 
Alors je vais faire un bon gigantesque dans la bible pour nous rappeler que ce qui constitue le cœur du message de Jésus, le cœur de cette bonne nouvelle qui nous met en marche.
C’est l’appel urgent à essayer de mettre en acte cette loi qui nous fonde individuellement et communautairement, cette loi qui donne son sens à notre foi en Dieu :
- « Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta pensée et tu aimeras ton prochain (l’autre) la communauté comme toi-même. »
- Dieu, Soi et l’autre sont les trois angles de ce triptyque indissociable. La place que nous laissons à Dieu dans notre vie. C’est la place que nous laissons à l’autre. Non pas pour qu’il se conforme à nos habitudes mais pour l’accueillir tel qu’il est.
 
Nous ne pouvons prétendre aimer Dieu sans chercher à aimer l’autre, (l’autre qui est aussi la communauté). Et nous ne pouvons dissocier cet amour qui laisse une place à l’autre de celui qui nous place à côté de lui ou d’elle comme son frère ou sa sœur en Christ.
 
Cela commence toujours par un murmure. Le murmure de la foi, le murmure d’une prière qui ose dire sa foi en Dieu, sa confiance en l’autre et en soi-même.
 
Amen

Publié dans Prédications

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